Tu le sais maintenant, j’aime le street-art, en tout genre… Je trouve que cela donne une identité à une ville, attise la curiosité des passants, donne un intérêt certain à un mur gris. Mais attention, je parle du street-art, le vrai, et d’artistes comme Mr Chat, JR, Banksy, Fred Le Chevalier, Psychonautes, Gregos… Bon ok, je te cite uniquement ceux que j’aime et qui sont connus… mais il existe une multitude d’artistes inconnus qui nous livrent de véritables chefs-d’œuvre en quelques coups de bombes. N’oublions pas également que beaucoup d’artistes reconnus aujourd’hui sont passés par le street-art avant de faire exploser le marché de l’art, à l’image de Basquiat ou Keith Haring.
Je ne parle donc pas de graffitis tout moche et tout pourri où l’on peut voir un vague « Nik la poliss » « Nick ta mer » et autres messages à destination de ta famille, de tes proches, de ton chien ou de la prof d’anglais du lycée… que l’on soit bien d’accord! Là, cela s’appelle de la dégradation, du mauvais goût, de la diffamation (sauf si la dite prof d’anglais est vraiment une s… p…, mais c’est un autre débat), un manifeste pour l’orthographe qui pique les yeux, de la connerie pure et simple!


Alors oui, le street-art est interdit, du coup on voit fleurir les fresques, pochoirs, stickers en pleine nuit, et on les découvre avec avidité au petit matin. Parfois, il est toléré, voir même intégré avec intelligence à la ville, comme j’ai pu le découvrir à Uzès (je t’en parlerai dans un prochain post), et parfois, cela fait gravement ronchonner la mairie qui s’empresse de faire disparaître toute trace du délit…
-Premier exemple, ma chère ville de Rombas:
J’avais pu photographier quelques jolis pochoirs que tu peux (re)découvrir ici. Ces derniers ont été recouverts il y a peu d’une jolie peinture blanche pas du tout salissante, alors que les magnifiques inscriptions notifiées un peu plus haut, et qui parcourent les murs de la petite ruelle à côté de chez moi, trônent encore dignement, accompagnés de tessons de bouteille, d’excréments canins et autres fins de joints. Les murs sont privés, ce qui expliquerait cela, mais je suppose que la mairie peut quand même y faire quelque chose… Et vas expliquer à ta fille, qui commence fièrement à savoir lire (et qui, donc, te lis tout ce qu’elle voit), que ce que n’est pas bien du tout de dire tout haut « mamaaaaaaaan, c’est noté nique la police! t’as vu je sais bien lire hein???? »…solitude…

Bref… Peut être que je me trompe sur ce mur blanc, et que ce n’est que les préparatifs à une nouvelle fresque autorisée par la mairie? Peut-être aussi que ma ruelle sert de laboratoire d’expression à ces gentils jeunes qui peinent à écrire leur nom sans faute d’orthographe mais qui ont eu leur bac à plus de 77% (quoi? de l’ironie? moi?).
-Deuxième exemple, avec une ville que j’adore réellement, et qui, pour le coup, m’a un petit peu déçue, Audierne dans le Finistère.
Je suis une grande amoureuse de la Bretagne, de la beauté de ses paysages, de la conservation de ses petits villages, mais aussi des risques artistiques que peuvent prendre certains communes. Comme Audierne donc! En effet, actuellement ,et jusqu’au 24 août, la ville fait partie du parcours Arts à la Pointe, où l’on peut découvrir, en différents lieux autour du Cap Sizun, des œuvres d’Art Contemporain. En ce moment, une magnifique exposition de Hortense Le Calvez et Matthieu Goussin se trouve à l’intérieur de l’Eglise Saint Raymond d’Audierne, un lieu chargé de vie et d’histoire, ou les tableaux prennent une dimension toute particulière.
L’année dernière, lors de la même manifestation, j’avais pu découvrir l’artiste plasticienne Aranthell et ses fameuses barquettes de viande, dans le même lieu (bel article sur cette exposition dans le Télégramme).

Tout cela pour vous dire que quelque chose m’échappe quand à la politique culturelle de la ville… L’année dernière, j’avais croisé à travers la ville, de nombreux panneaux « stickés », et donc détournés de très belle manière, par un artiste facétieux et provocateur: Clet Abraham, qui sévit dans le monde entier. Son but? C’est lui qui en parle le mieux: « Nous sommes toujours plus envahis par la signalétique ; l’espace urbain délivre quantité de messages basilaires et unilatéraux, certes utiles, mais pour le moins bêtifiants. Je voudrais, en revanche, qu’à l’unilatéralité du message soit substituée l’idée de réversibilité, qu’un sens nouveau s’ajoute au premier, orientant d’autres niveaux de lecture. ».

Cette année, je me suis dit que j’allais faire un article et donc prendre quelques photos de ces fameux panneaux. Je prends mes baskets, Lolita, mon téléphone, et c’est parti pour 2 heures de marche dans les venelles d’Audierne, en plein soleil, sous minimum 35° (oui il fait aussi chaud en Bretagne!), à traîner difficilement le pauvre animal. Résultat: que dalle, rien, nada… Retour à l’office du tourisme, et là, on me dit en gros que ce qu’a fait ce monsieur, ce n’est pas bien du tout du tout, car cela dénature la signalisation du panneau et donc sa lecture, cela les abime aussi, et que de toute façon c’est interdit, et les panneaux ont d’ailleurs été remplacés… regard vide de ma part… incompréhension… déception…
J’ai réussi à savoir où il en restait (ouais j’ai des indics!): dans la ville juste à côté, Esquibien. Et voici, donc le type de dénaturation extrême que subissaient nos pauvres panneaux… Je n’en ai pas trouvé des masses, mais ça fait plaisir d’atteindre tout de même son but (surtout que Mr Grizzly et Miss Grumpy en avaient marre de jouer à Indiana Jones)!







Horrible non? En plus, c’est vrai que si on n’y prête pas attention, on peut croire qu’il y a priorité aux gros bateaux sur le giratoire… Plus sérieusement, je crois qu’en fait la ville n’a pas saisi la chance qu’elle avait… Qu’un artiste breton aussi important que Clet (que l’on retrouve à New York, Rome, Bruxelles, Turin, Londres…) choisisse Audierne pour, en fin de compte, exposer, aurait du leur servir à faire venir un public différent, intéressé par ce type d’intervention. Car je suis certaine qu’il y a beaucoup de farfelus comme moi, qui sont prêts à faire des dizaines ou des centaines de kilomètres pour voir ne serait-ce qu’un vestige d’une œuvre. La ville aurait du en faire un « argument de vente », plutôt que de se braquer de cette façon. C’est bien dommage de ne pas reconnaitre le talent, l’inventivité, l’envie de faire changer les mentalités, juste parce que c’est interdit.
Et je dois dire, que sur ce coup, Audierne, tu m’as déçue pour la première fois… Mais t’inquiète, on se dit quand même à l’année prochaine, avec sans doute de nouvelles œuvres à découvrir! Et si Clet veut passer par Rombas, ce sera avec plaisir, j’arriverai peut être à récupérer un panneau quand ils s’empresseront de les changer (je suis sûre d’ailleurs que si ils essayaient le dissolvant, ça couterait moins cher, mais ce n’est que mon humble avis!)