Je ne sais pas toi, mais quand le journal Le Monde me conseille 8 expositions à voir absolument cet été, je lis un minimum et j’essaie surtout d’y aller, si je passe dans les parages, bien-sûr!
Et alors, figures-toi que ça tombe bien, car mon pèlerinage annuel en Bretagne, Terre de Crêpes et de Cidre, m’a permis de me rapprocher d’un des lieux d’expo cité: Landerneau.
Je dis bien « me rapprocher », car il faut environ 1h30 pour migrer de mon lieu paradisiaque de vacances à cette ville. Et le plus dur, ce n’est pas de les faire, ou de trouver le temps, mais c’est plutôt de convaincre Monsieur Grizzly d’aller dans une ville que l’on connait déjà bien, pour « juste » voir une exposition, d’un certain Giacometti, en plus c’est de la sculpture! (« elle commence à nous gaver ta mère avec ses goûts à la con, et si on allait plutôt manger une tonne de langoustines arrosées de Breizh Cola, on est en Bretagne , et pas dans un musée à ciel ouvert, merde!!! « ). Oui, bon… après des yeux doux, et bien-sûr une tonne de nourriture , j’ai réussi à faire déplacer la petite famille au complet (y compris Lolita puant la marée à force de se rouler dans de vieilles algues).
Nous nous sommes donc rendus à Landerneau au Fonds Hélène et Edouard Leclerc pour la Culture. Cela t’interpelle? Et bien oui, la famille Leclerc, ainsi que certains membres du Mouvement E.Leclerc, ont décidé de créer un lieu exceptionnel rendant l’art contemporain accessible à tous. Le FHEL aide aussi à la conservation et à la restauration des œuvres d’art. Mais avant de te parler de l’exposition en elle-même, je voulais juste te parler du lieu…
L’ancien Couvent des Capucins… Quand on passe le grand portail et qu’on entre dans la cour de ce bâtiment, on sent déjà qu’il est chargé d’histoire… Il n’est pas aisé de transformer un couvent datant de 1636 en haut lieu d’exposition d’art contemporain… et pourtant! Le travail effectué est juste énorme et magnifique. Alors que l’extérieur met en valeur la pierre, l’intérieur est épuré, blanc, immense, ce qui permet aux œuvres d’art d’occuper tout l’espace et d’être mises en valeur peu importe le point de vue. Un choix donc tout à fait judicieux, et également symbolique pour la famille Leclerc, puisque leur premier magasin se trouvait à cet endroit.
Souvent, je te mets une petite vidéo à la fin de mes posts, mais là, j’avais envie de la mettre dès maintenant afin que tu puisses faire cette visite en musique, et quelle musique… Un extrait du nouvel album de Jean-Louis Murat, rien que ça, qui, même à plus de 60 ans reste toujours aussi hypnotisant, n’en déplaise aux petits jeunes artistes au charisme d’huitre et à la culture d’un bulot (Bretagne oblige!). Cette chanson est tout à fait adaptée à mon sentiment car j’ai également fréquenté la beauté tout le mois de juillet, par contre contrairement à Mr Murat, j’espère réellement en avoir gardé quelque chose…
Passons à l’exposition que j’ai parcouru avec Miss Grumpy, Monsieur Grizzly ayant choisi d’aller se promener avec Lolita, les compagnons à quatre pattes puant les algues n’étant pas admis.
A l’entrée, on vous propose le petit guide du visiteur, un allié précieux lors de la visite, vraiment très bien fait et gratuit, ce qui est rare pour un guide de cette qualité.
L’exposition s’articule autour de 11 grandes périodes de la vie d’ Alberto Giacometti, artiste majeur du 20ème siècle. Je pense que tout le monde à au moins vu une fois une sculpture de ce grand Monsieur, mais ce que l’on connait moins, c’est son évolution, ses obsessions, et son mécanisme pour arriver à ses sculptures les plus connues. Et on a beau connaître le nom, je ne connaissais en aucun cas son travail au niveau du cubisme, puis du surréalisme (ce qui lui vaut un rapprochement avec Dali et Breton), sa recherche acharnée sur la perception de la mort à travers le visage de vivants agonisants, son inspiration face à l’Art Egyptien. On apprend également que Giacometti dessinait, esquissait, gribouillait partout, tout le temps et sur tous les supports à portée de main.


Loin de moi l’idée ou l’envie de te décrire les 11 périodes que l’on parcoure avec une facilité déconcertante, car voilà une très belle initiative supplémentaire du FHEL: sur leur site, on découvre l’exposition pas à pas ici, une copie du petit guide, et cela permet vraiment de s’imprégner totalement du travail de l’artiste si tu n’as pas la possibilité de te déplacer. Je préfère donc te parler des pièces qui m’ont réellement marquées.
-Toute Petite Figurine autour de 1937-1939. Plâtre retravaillé au canif
Elle représente une silhouette féminine. Avec Miss Grumpy en fond, afin de te donner une idée de sa taille… Même si pour cette œuvre, il parle de disparition, et de réelle perspective d’une jeune femme lointaine, en y regardant de très près, le travail de détail est tout de même très impressionnant afin que la figure nous apparaisse facilement et que l’on puisse s’imaginer un réel corps féminin au loin.
-Grande Tête Mince de Diego (le frère de Giacometti) 1954 bronze
…et son ombre projetée sur le mur et le socle qui permet de la visualiser dans son entier. Les détails de la réalisation sur ce bronze, ainsi que l’expression pure de Diego sont troublants. Avec ce portrait, il bouscule en quelque sorte la vision classique des portraits dans l’art, en ne représentant, de face, qu’une sorte de gros trait faisant totalement disparaître l’apparence humaine. Pourtant, par un déplacement, il arrive à nous faire découvrir toute l’émotion et la dureté émanant de ce visage. En outre, cette façon de procéder nous permet , devant cette grande ligne noire, de ne croiser que le regard du personnage… ce qui est en fin de compte assez perturbant, car le spectateur n’est pas dérangé par son regard/jugement direct d’une quelconque expression.
-La Jambe 1958 plâtre

Je ne m’étais jamais interrogée sur le rôle du socle dans une œuvre. La plupart du temps, il est là pour soutenir physiquement l’œuvre, tendant à s’effacer afin de laisser toute la place à l’art. Giacometti travailla longuement sur le rôle de ce fameux socle. L’exposition, de par une succession de sculptures sur socle, nous permet d’observer sa réflexion sur son importance, la façon de le traiter (plus grand ou plus petit que la sculpture, du même façonnage), et cela donne la réelle impression que l’œuvre et le socle ont besoin l’un de l’autre pour fonctionner.
-Quatre Femmes sur Socle 1950 bronze
Quand je me suis renseignée sur cette œuvre, j’ai appris qu’elle avait été réalisé à la suite d’une « visite » de Giacometti dans un cabaret (bon en fait, c’était un bordel). Il y a croisé des danseuses nues, sur scène, et avait donc imaginé leurs corps dénudé à juste distance des spectateurs suscitant juste ce qu’il faut d’érotisme et d’attirance. Il nous renvoie une vision assez sévère de cette scène, je trouve, avec des corps rigides, placés les uns à côté des autres, comme attendant d’être « sélectionnés »… Sans l’histoire de cette sculpture, j’aurais sans doute eu une image totalement différente à l’esprit, peut être, un groupe de femme forte, tête haute, qui sait…
Et enfin, évidemment, l’imposant
-Homme qui Marche I 1960 bronze

…se trouvant à proximité d’une des « Femme qui Marche », celle-ci datant de 1932 ( version 1936), s’inspirant de l’Art Egyptien, et dont les formes sont très pures et très lisses. Cette dernière opposition, avant de quitter l’exposition, nous permet de visualiser en un coup d’œil, l’évolution et la démarche du travail de l’artiste. Très bonne initiative du FHEL.
Je suis ressortie vraiment enchantée d’avoir parcouru une exposition permettant d’expliquer au fur et à mesure à Miss Grumpy quelle peut être la démarche d’un artiste, et comment celle-ci évolue durant toute une vie (et si vraiment on sèche, de charmantes médiatrices sont à notre service pour répondre à toutes nos questions). Elle a pu voir aussi que sa vision pouvait être différente de la mienne, et l’a enfin accepté! J’avoue que ce qu’elle a adoré, c’est reconnaître les formes féminines sur les sculptures cubistes et surréalistes de Giacometti, car, cela doit être du à son âge, le corps de la femme l’intrigue.
Bref, je la conseille à tout le monde sans hésiter, quelque soit l’âge ou l’ouverture d’esprit!!!
L’exposition est encore visible jusqu’au 25 octobre 2015, vite!
La page Facebook du FHEL
Le site de la Fondation Giacometti
Le site de la ville de Landerneau