
Sur les bons conseils de mon hypnothérapeute (et ouais, j’ai une hypnothérapeute, on ne joue pas tous dans la même cour, les gars !), je me dois d’écrire à propos d’un « petit » incident qui m’est arrivé il y a maintenant quelques mois. Il semble que cela soit important afin je puisse, en quelque sorte, l’exorciser (bouhhhh ça fout les boules, ça fout la trouille), et surtout passer à autre chose, redevenir légère comme la brise, agile comme une loutre, vive comme une coquille Saint-Jacques en baie de Saint Brieux.
L’air du paradis est celui qui souffle entre les oreilles d’un cheval…
Il y a de cela 6 mois, à la fin de ce bel été, je gambadais gaiement au milieux des herbes hautes, des fleurs, et des abeilles à respirer l’air frais et le crottin de cheval… L‘enfant, fidèle à son signe astrologique chieuse ascendant tête de mule, décida, à la place de monter à cheval, de lâcher un peu Mister Gogo (Monsieur Goya Junior Rouge Bois, anglo-arabe de son état, et apparemment du même signe astrologique que sa cavalière), histoire qu’il se dégourdisse les sabots par lui-même. Pataplop Pataplop, la joie de Mister Gogo faisait plaisir à voir et à entendre au milieu du manège. De mon côté, à l’extérieur, j’étais occupée à divertir l’autre bébé de la famille, Newty the Labby, notre boule de poil over-stressée, toujours collée à sa Môman (donc moi !). Et un lancé de baballe, et deux lancés de baballe, et trois lancés de baballe ! Tout le monde est heureux, sautille, s’amuse.
J’en parlerai à mon cheval!
L’enfant entre en grande discussion avec l’une de ses acolytes du même âge, et surtout dans le même état cérébral qu’elle, à propos de la décadence et des dérives de l’industrie mondiale du luxe.
-Wesh mais nan frère*, je vais dead, elle est trop gênante cette meuf du collège avec son fake Vuitton acheté au bled…
-ouaiiiis frère, de ouf !

*Frère : nom masculin qui s’utilise indifféremment selon le sexe du sujet, et qui signifierait, selon une étude poussée d’un collège de linguistes de l’Université de Cambridge « copin (e), ami (e), pote, vieille branche ». Dérivé semble-t-il de l’américain « bro’» (brother), ce qui est tout aussi ridicule, en sachant que ces deux jeunes filles sont scolarisées dans un établissement privé catholique… Il est loin le temps des bonnes sœurs, je te le dis !
Traduction pour les néophytes :
-Diantre, ma chère amie, je m’en vais trépasser tant cette manante aperçue au détour d’un banc de notre institut me met mal à l’aise par le fait d’exhiber de la sorte son cabas fait de toile de jute recyclée acheté sur un marché exotique d’une contrée du Nord de l’Afrique.
-Je plussoie, mon amie, je plussoie !
Cela ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval!
Au même moment, une baballe vient malencontreusement entrer et rouler dans le manège. Crotte de biquette en chocolat, il me faut donc récupérer le dit objet avant que Mister Gogo ne se décide à l’aplatir, le mâchonner, l’avaler et s’étouffer avec (mon imagination est toujours très mesurée et réaliste en cas d’urgence). Ni une, ni deux, telle une cowgirl voulant attraper et ficeler un pauvre petit veau innocent qui passait par là, je saute par-dessus la barrière en atterrissant les 2 pieds encrés dans le sable. Nan, je déconne, je me glisse difficilement entre les 2 planches de bois de la clôture en ayant du mal à plier sur mes jambes, puis à me relever. (ci-contre, la vrai Mister Gogo se moquant ouvertement de moi…)

Je vois Mister Gogo au fond du manège, je vois la balle, je vois Mister Gogo regarder la balle, je me dis « je suis laaaaarge ». Sauf qu’il est bien évident que, entre le galop d’un cheval et le galop de moi, il y a forcément déséquilibre. Surtout quand l’équidé se dit « houlala, ma Môman veut jouer avec moi… vite, vite, je vais lui courir après, ça va être rigolo ». J’ai à peine le temps d’expulser un petit cri de marmotte au contact du sabot de l’équidé avec l’arrière de mon pied, avant de m’étaler de tout mon long. Je me retrouve le visage dans le sable, les bras élancés vers l’avant (je la touchais pourtant presque du bout des doigts cette conasse de balle). Mister Gogo a la grande intelligence de s’écarter de suite (il a sans doute une peur panique des marmottes), sans quoi ton humble raconteuse d’histoire se serait retrouvée en mode carpaccio.
Je n’ai pas encore bougé et la douleur n’est pas encore montée jusqu’au cerveau, quand j’entends brailler à quelques centimètres de mon pauvre petit corps meurtri, à demi enterré dans le sable et désarmé
« nan mais maman lève-toi là, tu me mets la honte ! »
Excuse-moi, petite ingrate, de me faire piétiner violemment par ce qu’on appelle communément un putain de gros cheval, (de façon tout à fait innocente et joviale, j’en conviens), parce que ça fait sacrément mal, bordel de sa mère le phacochère !
Ne pas miser sur le bon cheval…
N’écoutant pourtant que mon égo, je décide de me relever courageusement, sans sourciller, tout en m’apercevant que je pisse le sang au niveau de l’arrière de ma cheville gauche. L’enfant se charge de rentrer l’animal, dubitatif (la bébête pas l’enfant, qui elle est plutôt en mode dépitée par ma superbe prestation) et sans doute bien désolé de m’avoir ainsi marché dessus comme si j’étais une merde de pigeon. Pendant ce temps, je me traine discrètement et tant bien que mal vers mon véhicule, accompagnée de Newty The Labby qui ne me lâche pas d’une semelle (très ironique). Je bourre ma chaussure d’un paquet complet de Kleenex, histoire que mon véhicule ne ressemble pas à une scène de crime, et nous voilà reparties pour la maison, 25mn de trajet, à supporter la douleur, gérer la chaleur qui gagne tous mes membres, et surtout sentir l’énorme brulure que la blessure me provoque désormais…
Résultat des courses : tendinite, entorse, cheville ayant doublée de volume, 1 mois et demi à marcher sur la pointe du pied, 2 mois de rééducation, un talon et un tendon qui me font toujours souffrir, une cicatrisation encore en cours et une prise de poids supplémentaire (comme si j’en avais encore besoin). Ce qui me gêne le plus (outre le fait de ne plus pouvoir porter mes slims mais des survet oversize) c’est désormais mon appréhension tout à fait légitime quand j’approche un quadrupède à crinière et à sabots. Mon pauvre « petit » Gogo n’y peut rien, mais le choc a été toutefois violent.
Pourquoi ne pas tenter de lâcher les chevaux?
Parlons maintenant beaucoup plus sérieusement de cette mésaventure…
La chose que je retiens de cet incident, outre le fait qu’on ne se mesure pas sur un 100m à Usain Bolt portant des sabots, c’est que j’aurais eu besoin de me faire plaindre un tout petit peu. Oui, je n’ai pas peur de le dire maintenant. Juste histoire de me sentir prise en considération, entendue ou simplement aimée. Mine de rien, j’en ai quand même chié des ronds de chapeau depuis 6 mois, physiquement et aussi psychologiquement. Mais j’ai cette fâcheuse habitude de toujours tout « gérer », de tout cacher, dire que ça va, et de ne surtout pas ralentir sous peine de me sentir dépérir… J’ai continué à travailler, à faire les trajets pour l’enfant, les courses, le ménage, j’ai continué à vivre mes contraintes, mes habitudes, comme si… sans même me dire que cet évènement pouvait également servir d’avertissement, de ralentisseur, parce que symboliquement, il apparait quand même que je me suis faite littéralement mettre à terre de façon assez abrupte…
J’ai sans doute raté le coche, mais toutefois à méditer !
Qui veut aller loin ménage sa monture!
